Afghanistan

Kandahar - Le 15 novembre 1996


Handicap International,
un boulot au bout du monde

Quelques organisations humanitaires ont fait le choix de s'installer au coeur du pays taliban, où la sécurité est pour le moment revenue. Zoom sur les activités d'Handicap International, la structure paramédicale qui nous a accueilli huit jours durant à Kandahar. Une équipe jeune, motivée, soudée. Et qui aide, dans des conditions difficiles, une population traumatisée à surmonter les séquelles de la guerre.

 

n vient ici pour se reposer". Auteur de la citation : Vincent : 27 ans, chef de mission Handicap International. Lieu de villégiature : Quetta, au Pakistan. Lieu de travail : Kandahar, en Afghanistan. Vincent, comme tous les membres de son équipe, prend donc parfois quelques jours de " vacances ". Comme tout le monde ? A Quetta, une ville du sud du Pakistan, conservatrice et tribale, poussiéreuse et fatigante, sillonnée par des centaines de militaires pakistanais pas tellement engageants. Pas vraiment le portrait que l'on se fait habituellement du lieu de repos idéal. Surtout qu'il lui aura fallu endurer six heures de 4x4 sur une piste défoncée, parsemée de tourelles où veillent dans le désordre mitrailleuses pakistanaises, champs de mines, chefs de tribus et milices talibanes. Mais enfin, à Quetta, on trouve du chocolat, peut-être de la bière si l'on a ses réseaux, de l'eau chaude en journée, et même de l'électricité 24 heures sur 24.

Un goût de civilisation que la ville de Kandahar, située à quelques centaines de kilomètres de là, ne peut plus leur offrir. La guerre est trop souvent et trop longtemps passée par là. Dans une grande maison crème construite au coeur de la ville, on trouve des chambres spartiates, des bureaux, un terrain de volley et une cuisine... Le QG d'Handicap international. A l'intérieur, virevoltent neuf personnes : Cécile, Sophie, Philippe, Norbert, Christian, Vincent, Christophe, Stanislas et Roland. Ils sont pour la plupart de formation médicale, ils ont choisi de quitter leur pays pour venir s'installer au bout du monde. A Kandahar, capitale talibane. Il est sept heures quarante-cinq, le soleil achève de se lever. L'heure pour toute l'équipe d'Handicap International (HI) de commencer le travail. Par petites équipes, ils s'en vont au boulot. Comme tout le monde ? Sophie, ingénieur de formation et Belge d'origine, part sous ses voiles travailler à ART (Afghan rehabilitation team). L'ONG afghane fabrique des prothèses pour les personnes amputées, le plus souvent par les mines qui hantent les terrains de toute la région (voir carnet de route suivant). Sophie est la seule occidentale à travailler au sein de ART. Une particularité dont elle s'accommode, parfois avec difficulté. Les rumeurs courent très vite dans une ville dominée par les enragés d'Allah, ceux qui interdisent toute discussion entre hommes et femmes qui ne sont pas de la même famille. Sophie fait son boulot. Et elle fait aussi attention. Très attention.

Cécile, tout aussi voilée que sa collègue, Norbert et Philippe rejoignent quant à eux l'atelier paramédical d'HI, où ils s'occuperont toute la journée de patients atteints de déformations diverses (amputations, polios...). Norbert s'occupe plus particulièrement de l'atelier : il gère la fabrication de protèses, d'attelles de déchargement et de fauteuils roulants. Ils sont aussi chargés de former et d'encadrer une équipe de kinés et prothésistes afghans, hommes et femmes. La vingtaine d'afghans formés permet maintenant de répondre à la demande. Petit miracle en pays taliban : trois jeunes femmes afghanes font partie de l'équipe mise sur pied voilà une année. Malgré les pressions des Talibans, qui ont interdit le travail au féminin, l'équipe d'Handicap a réussi à imposer la formation de trois femmes kinés. Une bouffée d'air pour elles, qui n'auraient pu travailler ailleurs que dans une structure internationale. Aujourd'hui, elles peuvent même envisager l'avenir, qui leur semblait pourtant bien obscur voilà seulement quelques mois.

Autre programme implanté par cette petite équipe de neuf personnes : la prévention et la sensibilisation au danger que représente les mines (voir carnet de route suivant). C'est Stanislas, qui a depuis repassé le flambeau à Roland, qui s'occupe de cette action. appelée "Mine awarness". Tous deux passent leur temps avec les " Nomaindas ", des hommes afghans formés pour la prévention dans les villages des alentours. Grâce aux mimes, au jeu et à une solide motivation, les six nomaindas sillonnent aujourd'hui la région pour former des dizaines de milliers de personnes. L'enjeu : faire comprendre aux enfants, aux femmes et aux hommes des villages qu'ils habitent sur une zone rendue terriblement dangereuse par les dix millions de mines qui ont été installées dans tout le pays par les différentes factions en présence.

Autant d'actions qui ne pourraient être efficaces sans une solide coordination. Christian, le logisticien, Christophe, l'administrateur et Vincent, le chef de l'équipe, s'occupent ainsi de l'organisation des multiples facettes du programme de Handicap International à Kandahar. Toute la semaine, la petite équipe travaille. Comme tout le monde ? Un seul jour de repos, le vendredi, l'équivalent du dimanche dans les pays musulmans. Les distractions sont rares à Kandahar : des soirées organisées entre expatriés le jeudi soir et où, luxe rare au pays des plaisirs interdits, l'on peut danser et manger des pizzas. Un terrain de volley, parfois très boueux, où l'on improvise des matchs. Une petite bibliothèque où les livres repassent de main en main. Toute l'équipe restera environ une année à Kandahar. Largement assez de temps pour épuiser toutes les distractions possibles dans cette région du monde encore traumatisée par une guerre toute proche. Largement assez de temps pour nouer des amitiés solides avec les femmes et les hommes afghans formés par leurs soins. Largement assez de temps pour leur repasser le flambeau, et quitter la région en sachant qu'après eux, c'est toute une équipe afghane qui volera enfin de ses propres ailes. Grâce à eux, petite équipe de neuf personnes. Jeune, motivée, soudée.

Si vous souhaitez aider Handicap International,
envoyez vos dons à :

Handicap International : CCP 508-11C (Lyon)

(Merci à toute l'équipe de Handicap pour leur accueil chaleureux. Et dans le désordre : la compote, le chocolat, les matinées passées à l'atelier avec Cécile, Sharifa, Habiba, Nadia, Khala et Sidika, la soirée tarot, le henné, le saucisson, l'imprimante, la radio, les douches froides et la prévention sur les mines. La prochaine fois, on sera vraiment capables de faire la différence entre une PMN2 et une conduite d'eau. Promis).


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