Anne Chatterjee,
correspondante de La Croix en Inde -
Comment êtes-vous devenu journaliste ?
- J'ai un parcours universitaire. Etudiante à Science-Po
Paris, je faisais en parallèle une formation
linguistique (allemand, hindi, ourdou). Je suis partie en
Inde pour mon DEA sur les politiques de développement.
J'ai ensuite commencé ma thèse à New Delhi. A
l'époque, La Croix cherchait un correspondant en Inde.
Le journal s'est adressé à Science-Po, au département
spécialisé sur l'Inde. C'était au moment où le
Congrès (ndlr : l'un des principaux partis politiques
indiens) basculait. Ils recherchaient quelqu'un qui
puisse faire de l'analyse politique. Ils m'ont
contactée.
- Vous n'écrivez que pour la Croix ?
- Ma situation est particulière. Je termine actuellement
ma thèse, qui traite du système fédéral indien. Je ne
suis pas encore pigiste à temps complet. Mais j'écris
aussi pour des revues spécialisées comme Hérodote,
Larousse, L'Etat du Monde, Cultures et Conflits...
- Pourquoi cet intérêt particulier pour
l'Inde ?
- Mon parcours est peut-être un peu atypique. J'ai une
attirance intellectuelle pour ce pays. Les aspects
culturels et sociaux m'intéressent. Très vite, j'ai
basculé dans les aspects politiques.
- Pourquoi vous être installée à Bombay
alors que tous les autres correspondants sont à New
Delhi ?
- Je suis restée six ans à New Delhi. Je suis mariée
à un haut fonctionnaire indien. Il a été muté. Je
l'ai suivi. A New Delhi, je traitais surtout des
problèmes politiques. Ici, je fais plus de social et
d'économie. Et puis j'ai de la chance : La Croix est
moins centrée sur l'actualité chaude que les autres
journaux. Ils demandent plus de réflexion dans leurs
articles.
- Comment trouvez-vous vos informations ?
- Je suis en contact avec les agences de presse
indiennes. Et j'ai surtout mon carnet d'adresses
personnel.
- Vous parlez l'hindi et
l'ourdou.
- C'est un gros avantage. Pour des articles
sensibles, c'est toujours bien de commencer
l'interview dans la langue. Les gens apprécient.
Mais je ne dis pas toujours que je comprends.
Cela me permets parfois d'écouter les gens
discuter entre eux ! Je promets que je ne le fais
pas trop souvent !! - Quelles sont vos
relations avec La Croix ?
- Ils m'appellent et me donnent une liste de
sujets qui les intéressent. Moi, je donne les
miens. On s'appelle toutes les semaines et on
fait le point. Ensuite, je fais mon papier. Je le
dicte par téléphone à la sténo. Avant,
j'envoyais par fax. Mais ils préfèrent
finalement le saisir directement.
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- Vous partez souvent en reportage ?
- Dans le cas de grosses catastrophes, le journal
m'envoie sur place. Je me déplace aussi au moment des
élections.
- Vous pourriez vivre de vos piges ?
- Ce métier fait rêver beaucoup de gens. Mais à part
les correspondants du Monde, personne n'est vraiment bien
payé. En plus, lorsque l'on est dans un pays comme
l'Inde, qui n'est pas très important vu de France, ce
n'est vraiment pas évident.
- Votre meilleur souvenir ?
- En 1993, je suis partie en pleine nuit couvrir un
tremblement de terre. J'étais toute seule, avec mon
chauffeur. On a réussi à entrer dans la zone avec
l'armée. Quand je suis arrivée, des médecins lorrains
tentait d'expliquer devant des caméras indiennes, dans
un anglais déplorable, comment ils sauvaient les gens.
C'était un moment étrange : on s'est retrouvé entre
Français, au beau milieu des maisons écroulées.
- Votre pire souvenir ?
- J'ai quelques mauvais souvenirs. Au début, j'envoyais
mes papiers par fax. Je n'avais rien, juste une machine
à écrire, avec un clavier anglais. Des amis me
laissaient utiliser un fax local. C'était épique ! Plus
sérieusement, il y a tout ce que l'on ne peut imaginer
depuis la France : les difficultés techniques et la
bureaucratie.
- Pouvez-vous nous résumer l'Inde en deux
phrases ou en trois adjectifs ?
- (Elle sourit). « L'unité dans la
diversité » : c'est la phrase qui clôt tous les
discours politiques indiens !
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