Pakistanorama

Karachi - Le 10 décembre 1996


Suite au courrier reçu, nous inaugurons ici un nouveau genre de carnets de route. Une sorte d'album photo, avec plus d'illustrations, plus d'informations générales et plus de billets d'humeur. Vous pouvez toujours retrouver notre rubrique pratique, les reportages sur l'école et d'autres reportages plus fouillés dans les autres carnets de route. Nous attendons vos réactions quant à cette nouvelle rubrique. En attendant, en avant pour un rapide panorama du Pakistan.

 

Cent vingt millions de Pakistanais Forcément, ça fait du monde. Forcément, le pays, l'un des plus pauvres du monde, traîne son cortège de misère, de pauvreté et de violence. Comment résumer cette population qui cohabite sur une terre étonnamment contrastée ? Quels points communs entre les tribus du nord-ouest, les peuplades des versants de l'Himalaya, les Pathans de la région de Peshawar, les petits agriculteurs qui vivent sur les plaines de l'Hindus, les grands propriétaires terriens de la province du Sindh, les familles asservies par ces mêmes propriétaires ou les riches habitants d'Islamabad ? Aucun point commun, si ce n'est d'habiter sur le sol d'une même nation. La République islamique du Pakistan.
Un pays pluriethnique fondé sur la religion. Ils étaient exilés à Londres. Ils luttaient pour l'avenir d'une nouvelle nation musulmane. Ils se sont pris la tête toute une nuit. Ils en ont sorti un nom : P.A.K.I.S.TAN. P pour Penjab, A pour Afghans, K pour Kashmir, S pour Sind et Tan pour Balouchistan. L'acronyme résume maladroitement la diversité ethnique d'un pays coincé entre l'Inde, la Chine, l'Iran et l'Afghanistan. Un pays né sur le tard, en août 1947, de la partition de l'ancienne colonie britannique des Indes. Un pays musulman, né dans le tonnerre des armes et dans le sang des massacres. Nul ne croyait alors dans l'avenir de cette nation bricolée. Cinquante années plus tard, les Pashtounes, les Kashmiris, les Pendjabis, les Sindhis, les réfugiés afghans et les tribus de l'ouest cohabitent comme ils peuvent. Parfois dans la violence, parfois dans le drame, parfois sous les lois martiales imposées par des gouvernements militaires... Mais le pays a tenu le coup.
Onze millions d'enfants au travail. Un autre acronyme désigne le Pakistan : « PMA », ou Pays moins avancé. En bref, pays malade de sa misère. Les taux de scolarisation sont parmi les plus bas du monde. Le budget national est bouffé par la course à l'armement entraînée par la peur du voisin indien. La distribution des richesses est une expression qui n'a pas de sens ici. On est pauvre ou on est riche. Point. Des millions de familles, qui ont perdu tout espoir dans l'école comme instrument d'ascension sociale, mettent leurs enfants au travail. En ville, on croise des gamins de six à quinze ans dans tous les ateliers mécaniques, dans tous les magasins. D'autres travaillent dans les tanneries, les briqueteries, les morgues ou les mines... Les filles restent à la maison, mais s'occupent comme des grandes de la maison. D'autres restent douze heures par jour dans leurs métiers à tisser. Elles travaillent pour l'exportation. Et l'industrie du tapis va bien, merci. En 1995, le chiffre d'affaires à l'exportation a fait un score record. La France compte parmi les sept principaux clients du Pakistan.
Un pays qui se fait violence. Impossible de ne pas remarquer la pléiade de gardes armés plantés devant les magasins, les immeubles officiels ou les maisons privées. Chacun semble craindre ici une explosion de violence. Les voyageurs étrangers sont rarement la cible des violences qui déchirent le pays. Conflits politiques, attentats des groupes extrémistes, conflits tribaux, combats d'influence entre trafiquants de drogue et d'armes, banditisme de grand chemin, conflit au Cachemire... Les raisons de s'entre-déchirer ne manquent pas, mais il serait stupide de résumer le Pakistan aux armes, à la drogue et aux attentats. Les Pakistanais sont d'une hospitalité incroyable, leurs traditions et leurs cultures particulièrement riches, les paysages fantastiques, les rencontres faciles. Si l'on fait preuve d'un minimum de prudence, on ne risque rien. Si ce n'est un séjour haut en couleur.
L'art, malgré la censure. Lahore, qui s'étend sur la berge orientale de la Ravi, est sans conteste la plus belle ville et la capitale culturelle du pays. Studios de cinéma, danse, écrivains, Collège national des arts, ateliers de peintres, de sculpteurs ou de marionnettistes... Tous essaient de faire vivre leur art malgré la censure islamique. La ville est servie par une architecture moghole splendide. Ses rues sont frénétiques, fatigantes et colorées. Il faut se perdre dans le jardin de Shalimar, regarder les enfants faire voler leurs cerfs-volants depuis les toits de la vieille cité moghole, flâner dans les riches bazars... Et rencontrer des artistes, qui, mieux que personne, parlent de leur ville inspirée. Les frères Peerazada résument à leur manière, atypique et truculente, l'atmosphère artistique qui plane sur cette cité : Husman et Imran, stars du cinéma pakistanais, Saddann et Faizann, les jumeaux marionnettistes et peintres. Et leur frère aîné, exilé dans les années 70, aujourd'hui réalisateur.
Cricket, etc... Une passion, une vraie. A chaque coin de rue, on croise des enfants ou des adultes qui s'adonnent à leur sport favori : le cricket. Une batte toute neuve, une balle en cuir et un uniforme blanc immaculé. Ou un pauvre bâton de bois, une boîte de conserve et un shalwar camiz (l'habit national) tout usé. A chacun ses moyens. Et la star incontestée, Imran Khan, ancien capitaine de l'équipe nationale, met aujourd'hui à profit son immense popularité pour entrer en politique. Au programme de ce play-boy reconverti : la lutte contre la corruption qui gangrène le pays, un brin d'islamisme bon teint, des sourires à faire fondre toute la gente féminine. Et la ferme intention de devenir Premier ministre à la place du Premier ministre.
Echappée ferroviaire. Un des vrais plaisirs d'un voyage au Pakistan. Les locos vieillissantes qui tirent et poussent comme elles peuvent d'immenses cortèges de wagons surchargés, passent dans des paysages époustouflants, traversent l'Indus sur un pont grelottant, grimpent des forteresses de rocailles, passent des cols vertigineux... A trente à l'heure. Pour nous permettre de mieux admirer le paysage, certainement. A chaque gare, une nouvelle vie commence : vendeurs de bananes, de thé, de cacahouettes grouillent aux fenêtres. Certains passagers descendent, pour fumer une cigarette ou faire leur prière. Au coup de sifflet, le train repart, assez lentement pour ne perdre aucun voyageur.

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