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L'école au Pakistan | ![]() |
Karachi - Le 10 décembre 1996
La faillite
Le Pakistan figure au palmarès des pays les moins alphabétisés et les moins scolarisés du monde. Les écoles publiques que nous avons visitées sont dans un état lamentable. Le gouvernement affirme pourtant faire de gros efforts, tandis que les associations humanitaires dénoncent ce qu'elles considèrent comme une simple politique de façade, destinée à calmer les organisations humanitaires qui s'émeuvent de la situation. | ![]() |
![]() La faillite de l'école publique. Ali, comme de nombreux parents, n'a plus assez foi dans l'école pour motiver ses filles, les obliger à s'y rendre, et se priver du même coup de l'apport financier substantiel qu'elles peuvent apporter à la famille. Une visite dans les écoles de Lahore et de la campagne environnante permet de mieux comprendre. Les écoles privées sont très bien organisées, largement pourvues en matériel pédagogique et en professeurs. Les parents, qui paient très cher, surveillent de près la qualité des cours dispensés. Les fonctionnaires qui nous ont guidé dans les écoles de la zone se sont d'ailleurs fait un plaisir de nous emmener dans les établissements privés. « Voyez comme nos écoles sont belles. » |
![]() ![]() L'école-garderie. Dans une autre école, des garçonnets alignés contre un mur, ânonnent comme des robots ce que l'unique professeur leur crie. Pourquoi ne pas faire rentrer les enfants dans la salle de classe ? « il y a largement assez de Ils sont trop nombreux. Nous n'avons qu'un seul professeur. Dehors, place les jeunes frères des ». Et pourquoi y a t-il des enfants de trois ans dans la classe ? « Ce sont élèves. Les parents se servent de l'école comme d'une garderie écoles que nous avons ». Dans les trois visité avec les fonctionnaires du gouvernement, les professeurs nous ont offert à manger. Au milieu d'enfants qui reluquaient d'un drôle d'air nos bouteilles de Coca et nos cuisses de poulets. Cela n'a pas posé problème à nos sept fonctionnaires, qui se sont rués sur chaque festin : « ça à chaque fois ». C'est comme Ah bon. |
Des chiffres illusoires. A l'antenne
régionale du ministère de l'éducation, tout le monde
semble satisfait. Et l'on manie allègrement les chiffres
: « La province de Lahore affiche les meilleurs
taux de scolarisation du pays avec 55% » se
réjouit la directrice. Une étude plus approfondie de la
plaquette qui nous a été remise est hallucinante : on y
affiche sans complexe un taux de scolarisation national
de 71%, tandis que les quatre provinces qui composent le
pays affichent respectivement 55, 46, 63 et 50%. La
moyenne des quatre est évidemment bien loin des 71%...
« On a peut-être fait une erreur. »
Une erreur que reproduit, faute de mieux, la plaquette
officielle de l'Unicef. « Ce sont les chiffres
du gouvernement. Que voulez vous qu'on fasse ? »
lance d'un air fatigué l'un des responsables. Et quand
au ministère, Madame la directrice veut bien
reconnaître que l'éducation publique a quelques
problèmes de fréquentation, elle se justifie aussitôt
: « Les parents sont pauvres. Ils préfèrent
envoyer les enfants au travail. C'est à cause d'eux que
nos écoles sont vides. »
Le besoin d'une école adaptée à la réalité. L'éducation dispensée par Suddaar répond à une réelle soif de connaissance, et s'appuie surtout sur la réalité quotidienne des élèves : « On leur explique par exemple que pour ne pas se faire arnaquer au travail, il faut bien connaître les chiffres. Et qu'il faut donc faire des maths. » Tous les enfants du village suivent ces cours, prenant sur leur temps de travail. Aucun parent n'a trouvé à redire sur le manque à gagner que cela a logiquement entraîné. Fawad a plusieurs fois tenté de faire passer le message aux responsables de l'éducation primaire : « Ils ne m'écoutent pas. Ils ne remettront jamais en cause le système et ne reconnaîtront jamais sa faillite. » estime Fawad.
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