Jean-Claude Chapon,
directeur du bureau de l'AFP à Islamabad-
Comment êtes-vous devenu journaliste ?
- J'ai débuté en faisant des stages à la locale du
journal Sud-Ouest à Pau. Après mon bac, je suis entré
à l'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ), où
j'ai d'ailleurs créé la première équipe de rugby !
J'ai ensuite continué mes études de lettres et
d'histoire, réalisant notamment un mémoire sur la
presse à Pau. J'avais pour cela besoin de consulter le
fil de l'agence Havas, conservé à l'AFP. Le secrétaire
général de l'époque m'a donné son accord. Une fois
mon mémoire terminé, je le lui ai présenté. Il m'a
demandé si l'AFP m'intéressait. Et ça m'intéressait !
- Votre parcours à l'AFP avant d'arriver à
Islamabad ?
- J'ai un parcours tout à fait classique pour l'AFP. J'y
suis donc entré en 1977. Au début des années 80, je
suis parti en poste à Bagdad, en Irak. Je suis ensuite
rentré à Paris, comme il est de règle à l'AFP. Puis
je suis parti comme chef de bureau à Yaoundé, au
Cameroun. Après la couverture d'un procès sensible, le
gouvernement m'a déclaré personne non grata au
Cameroun. J'étais ensuite basé à Libreville, au Gabon.
Au total, j'ai passé quatre ans et demi en Afrique,
avant de rentrer à nouveau sur Paris. En 1988, je suis
parti comme directeur de bureau au Vietnam, pour cinq
ans. Je couvrais aussi le Laos et le Cambodge. Je suis
rentré à Paris, au desk, en 1993. Je suis enfin arrivé
à Islamabad cet été.
- Vous aviez un intérêt particulier pour la
zone ?
- C'est le genre de pays que j'aime couvrir. Il faut aller
chercher l'information soi-même. Ici, il n'y a pas
d'agence de presse crédible et il faut aller à la
pêche à l'info. Ce n'est pas très complexe car la
presse est respectée : les responsables politiques et
même militaires acceptent assez facilement de parler. Le
problème n'est donc pas de trouver une source
d'information, tant il y en a. Ce qui est moins évident,
c'est de trouver la bonne puis de la recouper.
L'information circule souvent dans le même cercle. Quand
il faut la confirmer, je dois trouver une source en
dehors du circuit. Ici, c'est difficile.
- Vous dites que la presse est respectée,
mais votre maison est surveillée en permanence par un chowkidar
(un garde armé)...
- J'ai trouvé ce chowkidar en arrivant, je l'ai
gardé pour une question de sécurité. Tout le monde est
gardé ici par des compagnies privées et armées. Il y a
parfois de très fortes poussées de violence. Les
étrangers n'ont pour le moment jamais été attaqués,
mais la violence de ce pays (ndlr : souvent due aux
groupuscules extrémistes) commence à atteindre la
capitale.
- Vous partez en reportage sur le terrain ?
- Dans tous mes précédents postes, j'y allais souvent.
Mais ici, je m'occupe aussi de l'Afghanistan, et il m'a
fallu rester sur place pour assurer la coordination des
équipes qui allaient sur Kaboul. Je reste beaucoup plus
porté sur le reportage de terrain que sur le travail de
bureau, mais il faut aussi être efficace ! Pour les
élections de février prochain, je compte bien quitter
la capitale pour prendre la température du pays. Pour un
événement comme celui-ci, il serait par contre
improductif que je reste dans mon bureau.
- Votre plus mauvais souvenir ?
- Je
n'en ai pas encore.
- Votre meilleur souvenir ?
- J'en ai beaucoup. Cette profession a parfaitement
répondu à ce que j'attendais d'elle. Au Pakistan, je
dirais que c'est la ville de Peshawar qui m'a le plus
plu. J'y ai découvert les Pashtounes (ndlr : l'une
des ethnies majoritaires du nord du pays) et le monde
hallucinant des zones tribales.
- Vos projets pour la suite ?
- Je compte rester ici plusieurs années. Sinon,
j'aimerais aller en Amérique latine.
- Une question difficile pour terminer.
Pouvez-vous nous résumer le Pakistan en deux phrases ou
en trois adjectifs ?
- Le principal qualificatif qui me vient à l'esprit,
c'est « violent ». L'interrogation qui me
vient le plus : « Ce pays a t-il une identité
? ». Les dirigeants ont essayé de construire le
Pakistan sur une identité religieuse. Ils ont
manifestement échoué. Ce pays n'existe qu'en
référence à l'ennemi indien.
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