Terminus Hong Kong - Singapour - Au pays des interdits
Singapour

Singapour - Le 15 février 1997


Au pays des interdits

Singapour joue les cités modèles : aucun détritus sur les trottoirs, des centres commerciaux qui sentent le propre, pas de mégots ou de chewing-gums par terre, des pelouses toutes vertes et tondues... Il fait bon se promener en ville. Une oasis de propreté et d'organisation que les Singapouriens paient au prix fort.

 

n débarquant à l'aéroport de Changi, gare aux voyageurs rompus à l'inconfort des villes indiennes ou aux foules grouillantes des mégalopoles asiatiques. Ici, tout n'est que luxe, calme et confort. Le standard est plutôt aux costumes trois pièces des business men pressés et aux hauts talons immaculés des business women hyper actives. Prière de déposer toute autre arme non conforme. Exit les sacs à dos crasseux, les chaussures boueuses et les pantalons poussiéreux, il ne s'agirait pas de salir la moquette.

Changi est considéré comme l'aéroport le plus moderne du monde. Et sans conteste le plus propre. Entièrement climatisé, l'aéroport high tech dispose quand même d'une salle pour les fumeurs : un cube enfumé où seuls les passagers en transit ont le droit d'en griller une. Ailleurs, il est interdit de fumer. Le décor est posé. Petit avant goût de ce qui attend le voyageur à Singapour, Mecque asiatique de la propreté méticuleuse et de l'hyper organisation.

Bienvenue dans la cité Etat. Et pour commencer, haro sur les fumeurs. Dans tous les lieux publics de Singapour (centres commerciaux, passages souterrains pour piétons, restaurants, halls d'hôtel...), de sympathiques affichettes blanches barrées de rouge rappellent l'interdiction. Au grilleur invétéré, il ne reste plus que la rue ! Attention, tout n'y est pas permis : la cigarette terminée devra être écrasée dans un cendrier. Un mégot jeté par terre et l'amende tombe : 500 dollars singapouriens (2000 FF). Que les fumeurs se consolent : ce n'est pas seulement de l'ostracisme anti-pollueurs d'atmosphère. Les pollueurs tout court, ceux qui jettent leurs détritus dans les rues, risquent la même amende!
Mâcher n'est pas jouer. Qu'on se le dise, Singapour n'aime pas le désordre. Nul n'est censé y ignorer la loi, d'ailleurs régulièrement rappelée à grand renfort de panonceaux. Le MRT (Mass rapid Transit) est l'une de fierté de la cité du Lion. Ce métro ultra-moderne, créé pour relier les zones résidentielles au centre-ville, est ultra-propre. Au lieu d'y interdire bêtement la consommation de chewing-gums que les lycéens collaient aux portes des rames au risque de les bloquer, le gouvernement a trouvé la parade infaillible : la vente et l'importation de la substance maudite est purement et simplement interdite sur tout le territoire. Des panneaux continuent cependant à rappeler que la consommation de boissons et de nourriture est formellement interdites dans l'enceinte du métro. Le gouvernement ne pouvait quand même pas interdire la vente de bouffe sur tout le territoire. Ca aurait fait désordre.
Dans les grandes et larges avenues qui quadrillent la ville, plutôt agréable soit disant passant, le panneau que l'on rencontre le plus souvent interdit aux piétons de traverser en dehors des passages cloutés. En l'absence des précieuses bandes blanches qui sauvent la vie des marcheurs, il faudra trouver le passage souterrain le plus proche. Viennent ensuite les interdictions de rouler en skateboard, en vélo ou en roller-blade. Les larges trottoirs sont tellement lisses et propres qu'ils font rêver tous les skateurs et glisseurs de la ville. Pas de ça à Singapour.
Reste que les autorités locales ne monopolisent pas les interdictions. Les magasins placardent leur propres panneaux : interdit de faire des photos, de manger, de boire, de fumer. Toujours autorisée : la carte bleue. Les banques aussi ont leur panneau : casques et lunettes de soleil interdits. Et ça marche ! En 1996, il n'y a eu qu'une seule attaque à main armée dans cette ville de 3 millions d'habitants. Un gars qui n'avait pas vu le panneau, certainement.
Circulez, mais pas trop vite. Piétons régulés. Propreté assurée. Quid des voitures, grandes pourvoyeuses de désordres ? Pour limiter la circulation et éviter les problèmes d'embouteillage et de pollution, le gouvernement n'a pas été jusqu'à interdire la voiture. Mais au regard de l'arsenal mis en place pour réguler le flot automobile, on se dit qu'une bonne interdiction globale doit le chatouiller. Les voitures sont surtaxées à l'achat, ce qui les réservent aux citoyens fortunés. Chaque automobiliste doit aussi s'acquitter d'une vignette au jour ou au mois pour pouvoir rouler dans le centre ville à certaines heures. Côté vitesse, la limite est établie à 80 km/h sur la voie express et 50 à km/h ailleurs (c'est à dire partout). Dans un taxi, lorsqu'une sonnerie stridente commence à hurler, ne vous attendez pas à ce que le chauffeur décroche son téléphone : il roule simplement à plus de 80 km/h ! Un système d'alarme a été ainsi installé dans tous les taxis.
Toujours plus fort : les véhicules utilitaires (camionnettes, fourgonnettes, voitures break...) sont tous équipés d'une petite lampe orange, installée sur le toit. Quand le mini gyrophare se met en marche, pas de panique, ne cédez surtout pas la priorité. Le monsieur est en fait un mauvais conducteur qui a dépassé les 50 km/h réglementaire. Plus besoin de radar : les policiers n'ont qu'à observer tranquillement le flot de la circulation, puis à cueillir les contrevenants qui clignotent.

Avec toutes ces interdictions et ces amendes, on s'attend a voir des hordes de policiers à chaque coin de rue. Mais non : aucun képi à l'horizon. Les Singapouriens murmurent que les policiers sont en civil, aidés par les milliers de caméras camouflées dans la ville. Légende, rumeur ou réalité ? Pour des questions de budget, nous n'avons pas pu vérifier...

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