Hélène Vissière,
Journaliste économique à Bangkok
- Comment êtes-vous devenue journaliste ?
- Originaire de Marseille, je suis entrée au Centre de
formation des journalistes (CFJ) après l'Institut
d'études politiques de Paris. Je suis sortie en 1990,
après une spécialisation en presse écrite.
- Quel a été votre parcours depuis ?
- Je suis d'abord entrée en stage au Figaro, au service
société. Ca s'est très mal passé, à cause d'un chef
insupportable. J'étais peut-être aussi sortie du CFJ
avec un égo supérieur à ce qu'il aurait dû être. Au
bout de trois mois, je me suis retrouvée sans boulot.
J'ai commencé à piger un peu partout, avant d'apprendre
qu'un stage se libérait à l'Agefi, un journal financier
très spécialisé.
- Vous aviez un intérêt particulier pour
l'économie ?
- Non, au contraire ! (Elle rit) Au départ, c'était
sinistre ! J'étais au service "Banques". Au
bout de quatre mois, j'étais quasi en dépression
nerveuse. J'interviewais des banquiers et je ne
comprenais ni les questions que je posais, ni leurs
réponses. Le cauchemar ! Au terme de mon stage, l'Agefi
a quand même proposé de m'embaucher. J'ai dit oui.
- Pourquoi être restée ?
- L'économie est beaucoup moins rébarbative qu'elle n'y
paraît. On peut même faire du magazine. J'ai aussi
commencé à voyager pour l'Agefi. J'allais interviewer
des banquiers à l'étranger. Ce sont des gens très
bien, qui ont une excellente connaissance de l'économie.
Loin de leurs sièges, ils me racontaient énormément de
choses.
- Comment êtes-vous passée de l'Agefi à
Bangkok ?
- J'ai décidé de partir en vacances au Vietnam avec une
amie journaliste. C'était mon premier voyage en Asie...
On parlait vaguement de travailler à l'étranger. En
chemin, nous nous sommes arrêtées à Bangkok, pour
voir... On a rencontré deux journalistes qui y étaient
déjà basés, avant de rentrer à Paris. Ma copine
n'avait plus du tout envie de partir. Moi, cette idée
continuait à me trotter dans la tête. Bangkok, toute
seule, cela m'effrayait quand même un peu. Au bout d'un
an, j'ai finalement réussi à partir, grâce au
rédacteur en chef de l'Agefi. Il m'a vraiment
encouragée. Début 1994, je me suis installée à
Bangkok comme correspondante de l'Agefi. Je conservais
mon salaire parisien.
- Aujourd'hui, vous êtes toujours correspondante
de l'Agefi ?
- Non. Ils m'ont licensiée au bout de neuf mois, pour
cause de restructuration interne. Ils m'ont annoncé ça
en pleine nuit, ils avaient oublié le décalage horaire.
Sympa ! Je suis rentrée à Paris pour négocier mon
licensiement et pour démarcher d'autres journaux.
- Pour qui travaillez-vous désormais ?
- La Tribune, Enjeux, CB News, d'autres journaux
spécialisés... Il m'arrive aussi de piger pour
Challenge, Capital, l'Expansion... Je travaille parfois
pour BFM, une radio économique. Je vais maintenant
essayer de me mettre à la télévision. Je gagne ma vie
correctement pour Bangkok.
- Comment trouvez-vous vos infos ?
- La presse locale, les journaux régionaux anglophones,
les canards spécialisés en économie... On a de la
chance : la presse est vraiment bien faite ici. Et puis,
il y a énormément de sujets dans toute la région
(l'Asie du sud-est). Après trois ans, Jje commence à
avoir fait le tour des sujets intemporels. Heureusement,
il y a de l'actualité.
- Vous partez souvent en reportage dans les pays
voisins ?
- Bangkok est central, ce qui est très pratique.
J'essaie en effet de partir en moyenne une fois par mois.
- Vous parlez le thaï ?
- Dans la vie de tous les jours, je peux me débrouiller.
Dans le cadre de mon travail, je n'en ai pas besoin. Les
gens que je rencontre parlent tous anglais.
- Votre meilleur souvenir ?
- L'interview d'un tycoon chinois à Taïwan. A la fin de
l'entretien, il me regarde dans les yeux, m'explique
qu'il a eu une petite amie française et qu'il parle
notre langue. Et soudain, il me sort "Je
t'aime" ! Je suis devenue écarlate. J'ai remballé
mes petites affaires rapidement en bafouillant un truc
super intelligent du genre "Ah, oui, vous parlez
bien français". Les Asiatiques peuvent parfois
devenir très entreprenants. Je suis partie vite fait !
- Le pire ?
- Je travaillais encore pour l'Agefi et je devais faire
un reportage sur un important conglomérat malaisien.
J'envoie mon fax au service de presse. Ils ne répondent
pas. Je pars quand même à Kuala Lumpur. Le chef du
service de presse m'accorde un entretien. Et là, il me
dit froidement : "Je ne connais que le Monde et vous
n'aurez pas d'interview"... Là, j'étais vraiment
mal.
- Qu'avez vous envie de faire par la suite ?
- Je n'ai aucune envie de repartir en France. Par contre,
je pense bouger l'année prochaine. Je ne sais pas encore
où je vais m'installer. Une seule chose est sûre : ce
sera en Asie du sud-est. Je n'ai absolument pas envie de
revenir sur Paris.
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