Journaliste français
en Thaïlande

Emmanuel Dunand, 29 ans, est photographe de l'AFP à Bangkok après une histoire professionnelle surprenante et rebondissante commencée à 20 ans.



Emmanuel Dunand,
Photographe régional à l'AFP Bangkok

- Comment êtes-vous devenu journaliste ?
- J'avais vingt ans et je terminais ma license de bio à Toulouse. Un soir, je regardais un match de rugby à la télé. J'ai vu tous ces photographes sur le terrain. Ca m'est soudain apparu comme une évidence : je voulais moi-aussi devenir photographe. Le lendemain, j'arrêtais la bio pour m'inscrire dans une école de photographie privée à Toulouse. J'ai bossé comme liftier à la Tour Eiffel l'été et chez Motorola pendant l'année pour me payer les frais d'inscription.

- Quel a été votre parcours depuis ?
- Finalement, j'ai rapidement quitté cette école qui ne me plaisait pas du tout. Je voulais partir à l'étranger faire du reportage. J'avais un rêve : faire les marchands de sel au Tibet. Mais juste avant que je prenne ma décision, je vois un reportage de six pages dans VSD ! Alors j'ai pris un billet pour l'Afrique du sud et je me suis acheté un peu de matériel. J'ai tout quitté. J'avais 21 ans.

- Vous êtes resté combien de temps ?
- Un an et demi. J'y ai tout appris sur la photo. Le pays était sans cesse sous état d'urgence. J'ai commencé à vendre mes photos à AP (Assiocated Press) et à Reuters. Puis l'agence photo française Cosmos a commencé à diffuser mes photos. Et là; je suis tombé fou amoureux d'une Zimbabwéennne. Je l'ai suivie à Londres et à Los Angeles. Je ne faisais plus rien en photo... Finalement, on s'est quitté et je suis rentré à Paris. Je faisais de la photo de mode, pour les Studios de la main d'or, Jeune et Jolie, le Jardin des Modes... Je me suis fait un peu d'argent mais je m'ennuyais. Mon meilleur ami était sur Bangkok. Je suis parti travailler là-bas pendant une année. Là, ça commençait à bien marcher pour moi. Fin 1992, je commençais à avoir un bon portefolio. Un copain m'a parlé de l'AFP. La chef de la photo du bureau de Hong Kong m'a proposé de passer la voir. Je lui ai plu.

- Et là, vous êtes resté à l'AFP...
- Oui et non, car je suis tombé malade. J'ai donc dû arrêter pour rentrer en France. La chef de Hong Kong m'avait dit de ne pas hésiter à passer à l'AFP Paris pour présenter mes photos. Ce que j'ai fait. Ca a marché. Ils m'ont d'abord pris un mois en remplacement, puis une année, comme photographe.

- Et là, vous êtes resté à l'AFP...
- Non car j'ai rencontré ma femme à ce moment... Elle est américaine. Je suis parti m'installer avec elle près de Boston. J'ai fait quelques reportages en Afrique à ce moment, au Libéria, en Sierra-Leone... Un jour, l'AFP Hong Kong m'a appelé pour me proposer un poste de photographe éditeur. Cela signifie que lorsque que tu n'es pas en reportage, tu fais de l'éditing sur le desk. Ca m'intéressais vraiment. Je suis parti pour Hong Kong où je suis resté un an.

- Et là, vous êtes resté à l'AFP...
- Oui ! Je ne l'ai plus quitté depuis ! Le photographe local de Bangkok a démissionné. Ils ont créé un poste de photographe régional que j'ai obtenu.

- Qu'est-ce qu'un poste de photographe régional ?
- Je gère les photographes des pays voisins, je pars souvent en reportage dans toute la région et je fais aussi l'éditing photo du bureau. Le travail de photographe d'agence est très spécifique : on n'a pas le droit de rater l'instant. Il faut toujours être le premier sur l'événement, on n'a pas le droit à l'erreur. C'est très éprouvant et très excitant. Quand il n'y a pas d'actu, je dois quand même faire une photo par jour, minimum. Je me lève très tôt, je me promène en ville avec mes appareils à la recherche d'un beau cliché.

- Avec quel matériel travaillez-vous ?
- Avec l'AFP, j'ai tout... Je travaille avec du Canon, car c'est extrêmement rapide. Mon sac photo pèse quinze à vingt kilos. Dans certains pays, je dois faire les développements moi-même. J'installe une chambre noire dans la salle de bains. Quand il n'y a pas de courant, je dois trouver de l'essence et un générateur. Je choisis les meilleurs clichés puis je les scanne avec mon ordinateur portable et je les envoie enfin par modem à Hong Kong.

- Quel est votre pire souvenir ?
- J'étais au Cambodge. Nous devions suivre le numéro deux du pays dans un coin reculé du pays. Il y avait une horde de journalistes et de photographes. Il fallait se battre pour entrer dans les hélicos qui devaient nous emmener sur place. Une sale ambiance... Je suis arrivé à temps pour prendre les clichés. Mais je suis retourné en Thaïlande par voiture. Mes concurrents d'AP et de Reuters, qui étaient de nationalité thaïe, ont pu passer le poste-frontière le plus proche. Pas moi et j'ai dû faire un gros détour. Ensuite, il n'y avait plus d'électricité à l'hôtel alors que je devais développer et transmettre mes photos. L'unique téléphone était pris d'assaut par des meutes de journalistes. C'est vraiment frustrant : j'avais les photos mais je n'arrivais pas à transmettre. Au finish, j'avais quatre ou cinq heures de retard sur les autres agences. Vraiment un mauvais souvenir...

.- Votre meilleur souvenir ?
- Ce que je vis tous les jours... La surprise, l'instant... Et peut-être aussi la première fois où l'une de mes photos a fait la Une du Herald Tribune. C'était le jour de mon anniversaire.

- Qu'avez vous envie de faire par la suite ?
- Je viens de refuser un poste AFP à New York. Il n'y a pas assez d'actu. J'aimerais avoir un autre poste en Asie. Plus tard, je reviendrai peut-être aux Etats-Unis. L'Amérique latine me fait aussi envie. Mais pas la France.


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