Thierry Falise,
journaliste indépendant basé à Bangkok
- Comment êtes-vous devenu journaliste ?
- Je suis originaire de Charleroi, en Belgique. Au début
des années 80, après ma maîtrise de sciences éco, je
devais faire mon service militaire. J'ai choisi un
service civil. Dans ce cadre, j'ai travaillé pour un
journal consacré à l'écologie. Finalement, j'y suis
resté trois ans. Je n'étais pas forcément passionné
par l'écologie, mais l'expérience était très
intéressante au niveau journalistique. J'y faisais tout,
du café à la maquette... Quand je suis parti, j'étais
sûr de vouloir faire du journalisme et j'ai finalement
intégré l'Ecole supérieure de journalisme de Lille
(ESJ). (Il réfléchit) Ah, oui, j'oubliais... En 1984,
avant de rentrer à l'ESJ, les impôts belges m'ont
remboursé de l'argent. Si, si, ça arrive... Je me suis
demandé ce que j'allais en faire. Finalement, je suis
parti quelques semaines à Beyrouth pour y faire des
piges avec un copain (ndlr : en pleine guerre à ce
moment). Après ça, j'étais vraiment sûr de vouloir
être journaliste.
- Votre parcours depuis votre sortie de
l'école de journalisme de Lille ?
- A Lille, j'ai choisi la spécialisation Agence. Pour la
petite histoire, l'AFP était à ce moment en pleine
grève. Mon stage n'a pas abouti et je me suis finalement
débrouillé pour être pris au service francophone
d'Associated Press. J'y suis resté cinq ans. Pendant
tout ce temps, j'ai cumulé mes vacances pour pouvoir
partir faire des reportages en Asie du sud-est. J'étais
tombé amoureux de cette région lors de mon premier
reportage, qui portait sur la guérilla karen en
Birmanie. Je suis revenu régulièrement dans la région.
Au bout de quelques années, j'y passais jusqu'à trois
ou quatre mois par an. Je faisais de plus en plus de
reportages : par exemple les camps de réfugiés au
Cambodge, les brigades d'extrême droite aux Philippines
et puis beaucoup de choses sur le Triangle d'Or ou les
guérillas karens... Chaque fois que je rentrais à
Paris, je me sentais de plus en plus déprimé.
Finalement, j'ai pris la décision de partir m'y
installer en 1991. J'ai choisi Bangkok parce que cela me
permettait de rayonner sur toute la zone.
-
Pour qui travaillez-vous ?
- Au début, j'ai fait l'erreur classique de vouloir
travailler pour tout le monde. J'avais fait le tour des
rédactions avant de partir, en privilégiant la
quantité. Depuis, je me suis rendu compte que certains
journaux étaient plus ou moins sérieux. J'ai fait le
tri et j'essaie maintenant de me concentrer sur de gros
sujets. Je travaille aujourd'hui essentiellement pour
Gamma, L'Express et VSD. J'ai aussi un réseau de
magazines étrangers. Je fais très peu d'actu chaude.
S'il se passe quelque chose d'important, évidemment, je
le traite. Mais la Thaïlande intéresse assez peu la
France. Je fais surtout du magazine, des sujets plus
intemporels. Je travaille la plupart du temps seul. Je
fournis photos et texte.
- Vous parliez d'un tournage ?
- Oui, je fais aussi un peu de télé. Je viens de finir
un sujet pour une chaîne câblée avec un ami cameraman.
On fera le montage à Paris en mai-juin. Je travaille
aussi pour Radio-Canada.
- Vous partez souvent en reportages ?
- Pas assez à mon goût !! Disons que je pars tous les
deux mois en moyenne. Je pars moins qu'avant car je suis
plus sélectif. Et puis je prépare aussi des sujets sur
la Thaïlande. Ce sont des sujets de long terme. Il faut
habiter sur place pour pouvoir les réaliser.
- Votre meilleur souvenir ?
- Mon premier reportage au Liban.
- Votre plus mauvais souvenir ?
- En 1989, je suis parti aux Philippines pour un
reportage sur la guérilla communiste. Pendant que je m'y
trouvais, il y a eu un coup d'Etat contre Cori Aquino. Et
j'étais bloqué dans une île du sud du pays !! Toutes
les communications étaient coupées. Impossible de
revenir sur Manille. Les rédactions auxquelles j'avais
laissé mes coordonnées essayaient toutes de me joindre,
évidemment. C'était très frustrant. Deuxième mauvais
souvenir : les émeutes de 1992 à Bangkok. Je prenais
les photos d'un commissariat en feu quand une voiture a
explosé. J'ai failli perdre ma jambe et j'ai dû rester
sept semaines d'hôpital.
- Vos projets pour la suite ?
- Rester ici.
- Toute votre vie ?
- Pourquoi pas ?
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