A l'école de la Turquie

Turquie - Le 30 septembre 1996


Durant quarante jours, nous avons eu la chance de visiter une dizaine d'écoles, à Istanbul, Diyarbakir et Ankara. Voici la description de trois d'entre-elles...

Diyarbakir, l'école modèle "Mehmetçik". C'est grâce au centre de presse de Diyarbakir et sous son étroit patronage que nous avons pu visiter cette école, sans aucun doute la plus belle et la mieux équipée de toute la région. Comme tous les petits Turcs, les enfants qui habitent cette région de la Turquie doivent aller à l'école de 6 ans jusqu'à 14 ans. En théorie. Dans la pratique, ce sont surtout les cinq années primaires qui sont obligatoires en Turquie. Le manque de place dans les "middle schools" (l'équivalent de nos collèges) ne permet pas de toute façon de scolariser tout le monde pendant huit années consécutives. Ainsi, dans la province de Diyarbakir, on compte 592 écoles primaires, pour 99 collèges...

L'école Mehmetçik est située en plein centre de Diyarbakir. Remarquablement bien équipée, elle n'échappe cependant pas à la surpopulation qui touche toutes les écoles de la province (pour connaître la raison de cette surpopulation, se référer au carnet de route sur Diyarbakir). Ici, on a instauré le double service : 800 enfants étudient le matin, les 800 autres n'arrivant que l'après-midi. Une cinquantaine d'enfants sont réunis dans une classe, une densité qui complique singulièrement la tâche des enseignants. Ajoutons aussi que le Turc n'est pas forcément la langue maternelle de tous les enfants, dont une partie ne parle que le kurde. Ceux-ci connaissent de réels problèmes de communication au CP. Il leur faudra une bonne année pour devenir bilingue.

Prime de risque : 200 FF

Comme ailleurs en Turquie, les professeurs gagnent en moyenne 1.500 FF par mois, en milieu de carrière. Un salaire qui permet à peine de boucler les fins de mois en Turquie, ce qui explique la désaffection certaine pour le métier. Dans la région, les enseignants touchent également une "prime de risque", du fait du conflit qui ravage la zone depuis des années, et dont les enseignants sont parfois la cible. Le montant de cette prime : 200 FF...

A quelques kilomètres de là, grâce à un enseignant révolté par la situation, nous avons pu visiter une autre école, plus représentative de la réalité de la région. Elle accueille en majeure partie les enfants des villageois qui ont dû fuir leurs villages du fait de la pression de l'un ou l'autre camp (cf carnets de route Diyarbakir). Un tout autre environnement : les enfants sont plus d'une centaine par classe, massés sur de petits bancs de bois, qui font penser aux écoles françaises de la IIIème république. Des uniformes salis par la poussière du bidonville dans lequel l'établissement est construit. Un mauvais tableau noir, un sol en terre battue, du grillage aux fenêtres, des lampes branlantes... Chaque fois que nous avons essayé de sortir l'appareil numérique, c'était la cohue dans la classe. Désolés pour les photos ! Nous avions déjà assez perturbé le cours....


Ankara, l'école "Namik Kemal". Voilà une école primaire qui représente bien la plupart des écoles de Turquie (mis à part celles du sud-est). Un millier d'enfants y étudient, trente heures par semaine. On étudie tous les jours de la semaine, et on se repose le samedi et le dimanche. On y vénère Mustafa Kemal Atatürk, dont on retrouve portraits, bustes et statues dans le hall, la cour de récréation et toutes les salles de classes. Signe des temps : le tableau n'est plus noir, mais blanc. L'on y écrit avec un feutre effaçable, bien commode quand on rate une opération ou un accord grammatical. Les instituteurs sont aussi quitte de blanchir leurs vêtements !

« Je m'autosurveille »

Pour "responsabiliser"  les enfants, un système d'autosurveillance a été mis en place. Chaque jour, un enfant différent porte un brassard rouge, qui indique qu'il est devenu responsable de la discipline pour la journée. C'est l'un de ces enfants qui nous a accueilli, fier comme Artaban, à l'entrée de l'école. Bien droit dans son uniforme, la cravate resserrée pour l'occasion, il nous a mené voir son directeur, rouspétant au passage contre ses camarades trop bruyants...

Les uniformes et les livres sont à la charge des familles, les plus démunies trouvant généralement l'aide de l'Etat, sous forme de bourses. Mais ici, l'Etat ne peut toujours remplir sa mission, trop empêtré dans ses déficits. Ce sont donc les parents, organisés en association, qui mettent la main au portefeuille, pour assurer les meilleures conditions d'études possibles à leurs enfants. Certaines de ses associations allouent aussi des bourses au mérite, ce qui leur permet de sélectionner les élèves qui étudieront avec leur progéniture. Pauvres, oui. Mais alors brillants.


Quelques données générales. Le système turc est basé sur la réussite aux concours. Tout écolier turc doit en passer deux. Le premier sanctionne la fin de l'école primaire : les mieux classés peuvent choisir les meilleurs collèges, les autres se partagent le reste du gâteau (le plus souvent, les collèges où l'argent, et donc les meilleures conditions d'études, font défaut). Certains élèves sont soumis dès l'âge de huit ans par leurs parents à des cours privés le samedi, afin de leur donner les meilleures chances de réussite aux concours. Le deuxième concours, basé sur le même système, sanctionne la fin des études secondaires. Aux meilleurs, les meilleures universités... Là encore, les cours privés jouent un grand rôle. Mais aussi le type de lycée et de collège par lesquels sont passés les élèves : certains préparent mieux que d'autres à ce concours, d'où l'importance de bien réussir le premier concours, pour accéder aux meilleurs collèges et lycées (le plus souvent réunis dans un même établissement). La boucle est bouclée, la course commence à l'école primaire...

  Nombre d'écoles Nombre d'élèves Nombre d'enseignants
Ecoles maternelles 6.830 198.979 9.622
Ecoles primaires 51.721 9.547.838 298.735
Collèges et lycées 5.337 2.223.236 139.691

(Source : Ministère de l'Education de Turquie - 1995-96)


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