Journalistes français
en Turquie

Basé à Ankara, Hervé Couturier, 49 ans, est le directeur du bureau de l'Agence France Presse en Turquie depuis deux ans et demi. Il est le seul Français du bureau et travaille avec trois journalistes turcs, dont deux sont francophones, le troisième étant anglophone. L'un des trois journalistes turcs est basé à Istanbul.

Hervé Couturier, directeur du bureau de l'AFP à Ankara

- Vos débuts dans le journalisme ?
- Après une licence d'économie à Bordeaux, je suis monté à Paris. Je voulais devenir journaliste, et j'ai frappé à la porte de l'AFP qui embauchait alors. Désolé pour les jeunes journalistes qui connaissent aujourd'hui une situation beaucoup plus difficiles et sont taillables et corvéables à merci ! J'ai fait un stage d'essai rémunéré de quinze jours. Ils étaient contents de moi et j'ai été embauché.

- Votre parcours à l'AFP ?
- De formation économique, j'ai bien sûr commencé au desk Economie, pendant deux ans et demi. Mais j'étais en fait intéressé par l'étranger. En 1975, je suis parti en poste à New York pour un an. On m'a ensuite envoyé à Bangkok. C'était le rêve, car je suis passionné par l'Asie. J'étais "prêté" par l'AFP à un journal francophone qui se montait dans la région. L'expérience a malheureusement tourné court au bout d'un an, faute de capitaux suffisants. Je suis rentré à Paris, triste mais riche d'expériences. Les années suivantes ont été partagées entre Paris et l'étranger. A l'AFP, c'est la règle générale : après un poste à l'étranger, on revient au desk de Paris. Je suis allé en poste quatre ans à Tokyo, puis quatre ans à Washington comme adjoint au chef de la rédaction francophone, en charge de la politique américaine. Cela m'a permis de suivre la campagne présidentielle Bush/Dukakis, ce qui était évidemment très intéressant. Je suis rentré à Paris, puis on m'a nommé à Ankara fin 1993, comme chef de bureau. Je suis arrivé le 1er janvier 1994.

- Comment collectez-vous vos informations ?
- Nos premières sources sont l'agence de presse locale, les télévisions, la radio et les journaux. Il y a ensuite les communiqués officiels et les brieffings, notamment ceux du ministère des Affaires étrangères, deux fois par semaine. Enfin, il y a bien sûr le carnet d'adresses personnel.

- Quelles sont les difficultés principales par rapport à votre travail en France ?
- La première difficulté est la langue. Je ne suis pas turcophone, en tous cas pas assez pour mener une interview ou éplucher les journaux. Je comprends les gros titres, mais une lecture approfondie me demanderait des heures. Cela me rend dépendant des journalistes turcs, qui ont le défaut - comme tous les journalistes locaux - d'avoir une moindre capacité d'étonnement par rapport aux événements du pays. Outre ce handicap, la Turquie est un pays où l'information est pléthorique. Les informations ne sont pas trop difficiles à obtenir, même dans les domaines sensibles.

- Avez-vous du temps à consacrer au reportage sur le terrain ?
- Je suis aussi chargé des relations commerciales de l'agence en Turquie. Tout ce travail me laisse évidemment peu de temps pour partir en reportage. De toute façon, ce n'est pas le rôle classique d'un chef de bureau. Je suis plus un coordinateur et je relis beaucoup la copie, qui doit être de la meilleure qualité possible lorsqu'elle est envoyée à Paris.

- Souffrez-vous d'être isolé ?
- Non. Le grand avantage de l'AFP est qu'on ne nous oblige jamais à partir, sauf cas rare. L'AFP fonctionne sur un système d'appels à candidature, ce qui est très sympa. Cela montre que vous êtes motivé pour partir dans le poste demandé.

- Votre meilleur souvenir ?
- Il y en a plusieurs. Disons la couverture des élections législatives de décembre 1995. C'était un 24 décembre, joyeux Noël à tous... La couverture que nous avons faite a été bien accueillie à Paris, et nous avons même eu les félicitations du jury !

- Votre plus mauvais souvenir ?
- L'enlèvement d'un de mes journalistes par le PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan), dans la nuit du 31 mars 1995. Le journaliste de l'AFP revenait du nord de l'Irak en voiture, en compagnie d'un photographe de Reuter. Ils ont été interceptés à 21 heures, et le PKK les a emmené 26 jours dans la montagne. Le fait qu'ils soient employés par de grandes agences mondiales a travaillé pour eux. Pendant 26 jours, j'ai passé des moments très difficiles... J'étais aussi celui qui l'avait envoyé là-bas... Tout s'est bien terminé. Et surtout, ne roulez pas la nuit dans le sud-est ! (Nous avions téléphoné quinze jours auparavant à Hervé Couturier avant de nous rendre dans le sud-est, pour connaître les précautions à prendre. Au téléphone, il n'avait pas arrêté de nous mettre en garde contre la circulation nocturne !)

- Vos projets pour la suite ?
- Il est presque impossible que je ne revienne pas à Paris, selon les principes de l'agence. J'aimerais ensuite partir en poste à Djakarta. Mais ne le répétez pas !!


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