- Comment êtes-vous devenue journaliste ?
- Je suis tombée dedans quand j'étais petite. J'ai
décidé très jeune de devenir journaliste. J'ai fait la
filière classique : une maîtrise d'anglais, deux
années comme lecteur dans une université canadienne,
puis l'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ). A
ma sortie, en 1981, je suis partie à l'université de
Boston pour y faire un master en journalisme. Je suis
entrée à l'AFP en 1983. - Votre parcours à
l'AFP avant d'arriver à Hanoï ?
- Je suis restée trois ans au desk économie. Je suis
ensuite partie deux ans au bureau de Londres, comme
journaliste économique. Je suis revenue six mois à
Paris avant de partir comme adjointe au bureau de Pékin.
J'y suis restée quatre ans, de 1988 à 1992. Ensuite,
retour sur Paris. Et en juillet 1995, j'ai été nommée
à Hanoï.
- Est-ce un handicap d'être française à
Hanoï ?
- Non, au contraire. Il y a ici une grande bienveillance
vis-à-vis de la France. C'est aussi un avantage d'être
à l'AFP, qui est très connue ici. Il faut dire que nous
sommes au Vietnam depuis des années. Le bureau est même
resté ouvert pendant la guerre du Vietnam. A l'époque,
les journalistes en poste étaient installés dans un
hôtel d'Hanoï. Pour écrire leurs dépêches, ils
montaient sur le toit et comptaient les bombes qui
pleuvaient sur la ville. Nous étions la seule agence
mondiale présente au Vietnam. Nous sommes restés en
situation de monopole jusqu'aux années 90. Avec
l'ouverture, Reuter et AP (Associated Press) sont
arrivées. En 1992, cinq médias étaient accrédités.
En 1997, nous sommes une trentaine !
- Tout le monde est basé à Hanoï ?
- Oui. Le contrôle est ici très centralisé. Ce serait
pourtant bien que nous puissions ouvrir un bureau à Ho
Chi Minh ville, qui concentre une grande partie de
l'actualité économique. Nous devons d'ailleurs nous y
rendre au moins une fois tous les deux mois.
- Vous partez notamment à Ho Chi Minh ville
pour l'actualité économique. Comment se fait le reste
de la collecte de l'information ?
- Ici, il faut vraiment creuser pour trouver
l'information. Nous avons les sources officielles, qui
sont assez indigentes. Deux fois par mois, nous recevons
le briefing des Affaires étrangères. On peut aussi
interviewer les responsables par téléphone. Et puis il
y a la presse vietnamienne, soit une douzaine de
journaux. Les deux assistants vietnamiens passent les 2/3
de leurs journées à éplucher la presse. Pour nous,
cela constitue surtout une alerte. Ensuite, tout est à
vérifier. Au niveau économique, nous avons beaucoup de
sources dans le monde de l'entreprise, ici ou à Ho Chi
Minh ville. Il y a enfin les ONG, les organisations
internationales et les diplomates. Il y a une forte
présence étrangère à Hanoï.
- Parlez-vous le vietnamien ?
- Non. Je crois d'ailleurs qu'aucun journaliste en poste
n'est capable de le parler couramment. C'est une langue
très compliquée. Ce n'est pas un handicap majeur pour
le travail. Le formalisme et la bureaucratie sont tels
que nous devons forcément passer par un interprète lors
de nos interviews. Certains dirigeants parlent de plus un
excellent français.
- Partez-vous souvent en reportage ?
- Les médias étrangers sont sous étroite surveillance.
Ils ne peuvent pas circuler dans le pays sans demander
une autorisation préalable au service de presse. Il faut
s'y prendre deux semaines à l'avance, donner un
programme précis des interviews que nous voulons
réaliser, un planning du déplacement. Cette lourde
structure casse un peu la spontanéité... Cela dit,
toutes les autorisations finissent toujours par être
accordées.
- Vous déplacez-vous dans d'autres pays ?
- Notre bureau couvre également le Laos. Mais cela ne
concerne finalement que 5% de l'actualité que nous
traitons. Avant, nous avions aussi le Cambodge. Mais
devant l'inflation de l'actualité dans ce pays, il a
été rattaché à Bangkok.
- Quelles sont les difficultés inhérentes au
pays ?
- Le manque de transparence, l'opacité... On sent
malgré tout poindre un effort de communication. Au
VIIIème Congrès quinquennal du Parti communiste, ils
ont ainsi organisé pour les journalistes des
conférences de presse et des rencontres avec les
délégués !
- Votre meilleur souvenir au Vietnam ?
- Deux petits scoops politiques qui nous ont permis de
griller la concurrence : d'une part la grave attaque
cérébrale du président de la République et d'autre
part l'expulsion fracassante d'un membre du bureau
politique. Nous l'avons su avant les autres agences.
- Le pire souvenir ?
- Ma couverture du Congrès du Pathet lao. J'ai dû le
couvrir par téléphone alors que je n'avais jamais mis
les pieds au Laos. Le président de la République a
annoncé son retrait du bureau politique. Nous avons
pensé que cela signifiait qu'il se retirait de la vie
politique. En fait, il est resté à son poste de
président. Si j'avais été sur place, je pense que
j'aurais pu éviter cette erreur.
- Comment envisagez-vous la suite de votre
parcours ?
- Idéalement, ce serait de revenir en Asie, assez
rapidement. Peut-être à Pékin...
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