Journaliste française
au Vietnam

Pascale Trouillaud, 40 ans, est directrice du bureau de l'AFP à Hanoï depuis deux ans. Elle travaille dans la capitale vietnamienne avec son adjoint canadien, un photographe et deux assistants vietnamiens. Ce bureau couvre tout le pays, mais également le Laos.


 

Pascale Trouillaud, directrice du bureau de l'AFP à Hanoï

- Comment êtes-vous devenue journaliste ?
- Je suis tombée dedans quand j'étais petite. J'ai décidé très jeune de devenir journaliste. J'ai fait la filière classique : une maîtrise d'anglais, deux années comme lecteur dans une université canadienne, puis l'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ). A ma sortie, en 1981, je suis partie à l'université de Boston pour y faire un master en journalisme. Je suis entrée à l'AFP en 1983.

- Votre parcours à l'AFP avant d'arriver à Hanoï ?
- Je suis restée trois ans au desk économie. Je suis ensuite partie deux ans au bureau de Londres, comme journaliste économique. Je suis revenue six mois à Paris avant de partir comme adjointe au bureau de Pékin. J'y suis restée quatre ans, de 1988 à 1992. Ensuite, retour sur Paris. Et en juillet 1995, j'ai été nommée à Hanoï.

- Est-ce un handicap d'être française à Hanoï ?
- Non, au contraire. Il y a ici une grande bienveillance vis-à-vis de la France. C'est aussi un avantage d'être à l'AFP, qui est très connue ici. Il faut dire que nous sommes au Vietnam depuis des années. Le bureau est même resté ouvert pendant la guerre du Vietnam. A l'époque, les journalistes en poste étaient installés dans un hôtel d'Hanoï. Pour écrire leurs dépêches, ils montaient sur le toit et comptaient les bombes qui pleuvaient sur la ville. Nous étions la seule agence mondiale présente au Vietnam. Nous sommes restés en situation de monopole jusqu'aux années 90. Avec l'ouverture, Reuter et AP (Associated Press) sont arrivées. En 1992, cinq médias étaient accrédités. En 1997, nous sommes une trentaine !

- Tout le monde est basé à Hanoï ?
- Oui. Le contrôle est ici très centralisé. Ce serait pourtant bien que nous puissions ouvrir un bureau à Ho Chi Minh ville, qui concentre une grande partie de l'actualité économique. Nous devons d'ailleurs nous y rendre au moins une fois tous les deux mois.

- Vous partez notamment à Ho Chi Minh ville pour l'actualité économique. Comment se fait le reste de la collecte de l'information ?
- Ici, il faut vraiment creuser pour trouver l'information. Nous avons les sources officielles, qui sont assez indigentes. Deux fois par mois, nous recevons le briefing des Affaires étrangères. On peut aussi interviewer les responsables par téléphone. Et puis il y a la presse vietnamienne, soit une douzaine de journaux. Les deux assistants vietnamiens passent les 2/3 de leurs journées à éplucher la presse. Pour nous, cela constitue surtout une alerte. Ensuite, tout est à vérifier. Au niveau économique, nous avons beaucoup de sources dans le monde de l'entreprise, ici ou à Ho Chi Minh ville. Il y a enfin les ONG, les organisations internationales et les diplomates. Il y a une forte présence étrangère à Hanoï.

- Parlez-vous le vietnamien ?
- Non. Je crois d'ailleurs qu'aucun journaliste en poste n'est capable de le parler couramment. C'est une langue très compliquée. Ce n'est pas un handicap majeur pour le travail. Le formalisme et la bureaucratie sont tels que nous devons forcément passer par un interprète lors de nos interviews. Certains dirigeants parlent de plus un excellent français.

- Partez-vous souvent en reportage ?
- Les médias étrangers sont sous étroite surveillance. Ils ne peuvent pas circuler dans le pays sans demander une autorisation préalable au service de presse. Il faut s'y prendre deux semaines à l'avance, donner un programme précis des interviews que nous voulons réaliser, un planning du déplacement. Cette lourde structure casse un peu la spontanéité... Cela dit, toutes les autorisations finissent toujours par être accordées.

- Vous déplacez-vous dans d'autres pays ?
- Notre bureau couvre également le Laos. Mais cela ne concerne finalement que 5% de l'actualité que nous traitons. Avant, nous avions aussi le Cambodge. Mais devant l'inflation de l'actualité dans ce pays, il a été rattaché à Bangkok.

- Quelles sont les difficultés inhérentes au pays ?
- Le manque de transparence, l'opacité... On sent malgré tout poindre un effort de communication. Au VIIIème Congrès quinquennal du Parti communiste, ils ont ainsi organisé pour les journalistes des conférences de presse et des rencontres avec les délégués !

- Votre meilleur souvenir au Vietnam ?
- Deux petits scoops politiques qui nous ont permis de griller la concurrence : d'une part la grave attaque cérébrale du président de la République et d'autre part l'expulsion fracassante d'un membre du bureau politique. Nous l'avons su avant les autres agences.

- Le pire souvenir ?
- Ma couverture du Congrès du Pathet lao. J'ai dû le couvrir par téléphone alors que je n'avais jamais mis les pieds au Laos. Le président de la République a annoncé son retrait du bureau politique. Nous avons pensé que cela signifiait qu'il se retirait de la vie politique. En fait, il est resté à son poste de président. Si j'avais été sur place, je pense que j'aurais pu éviter cette erreur.

- Comment envisagez-vous la suite de votre parcours ?
- Idéalement, ce serait de revenir en Asie, assez rapidement. Peut-être à Pékin...


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